Comment Nantes Métropole finance le logement social
vendredi 27 décembre 2013
[*Interview de Anne BERTY, Chargée de mission auprès du Directeur général du développement urbain, Nantes Métropole*]
[bleu]Lors de la Journée des acteurs du 4 avril 2008, dédiée aux coûts des opérations et aux modalités de financement du logement social, Anne Berty de Nantes Métropole a présenté les initiatives de sa communauté. Les objectifs étaient, et sont toujours, d’aider les bailleurs à équilibrer leurs opérations tout en déterminant le juste niveau de soutien nécessaire. Avec bien sûr la priorité de créer des logements en nombre suffisant et réellement accessibles.[/bleu]
Depuis dix ans et son premier PLH, Nantes Métropole (590 000 habitants) met en œuvre une batterie de moyens pour financer et produire des logements sociaux adaptés à la demande. « Au fil du temps, nos outils se sont consolidés tant en termes de programmation que de planification pour arriver à produire plus de 2 000 logements par an, indique Anne Berty, chargée de mission auprès de la direction générale adjointe du Développement Urbain. » Les moyens développés par la Métropole visent plusieurs objectifs prioritaires partagés par d’autres communautés. Le premier d’entre eux concerne l’évolution du coût des loyers par rapport aux faibles capacités contributives de nombreux locataires. « C’est pour les élus de Nantes Métropole un enjeu majeur ; le parc social récent offre des logements de qualité, mais leur accessibilité pose parfois problème. Nous devons donc veiller à limiter l’impact des coûts de production sur le montant des loyers et ce n’est pas simple. Cette préoccupation a conduit à accroître la proportion des PLAI (30%) dans les objectifs de logements sociaux du PLH révisé en 2010, et à veiller à ce que cette part soit systématiquement atteinte dans programmation annuelle ».
Autre enjeu, le peuplement. La Conférence intercommunale du logement installée très récemment ouvre des perspectives, mais avec des résultats à moyen terme. Dans l’intervalle, les questions d’accessibilité et de mixité ont été abordées dans le cadre des projets de Renouvellement Urbain, où les enjeux de mixité sociale sont fondamentaux, mais où les actions menées jusqu’à présent, n’ont pas permis de rééquilibrer suffisamment les processus d’attribution. Par exemple, a été exploré avec certains bailleurs, un principe de modulation des loyers qui permettrait d’adapter le montant de certains d’entre eux aux très faibles revenus des ménages précarisés. Mais ce dispositif se heurte à des normes nationales très rigides, qui en rendent l’opérationnalité très incertaine, regrette la chargée de mission. » Deux autres objectifs orientent les moyens mis en œuvre : la production de logements réellement adaptés à la demande qui varie du T1 au T5 ou T6 et la requalification énergétique du parc ancien.
[bleu]Des moyens pour promouvoir le logement social[/bleu]
Les outils de la Métropole en faveur de la construction de logements sont multiples. La programmation de toutes les opérations d’aménagements publics, devenues communautaires en 2010, comporte systématiquement un certain pourcentage de logements sociaux à produire dans chacune d’elles, en conformité avec les objectifs territorialisés du PLH. Idem avec le dispositif de la loi portant sur l’engagement national pour le logement (ENL) créant les secteurs de mixité sociale, qui a été généralisé à plus de dix communes sur les 24 de la Métropole. Une politique de captation et d’acquisition des réservés foncières est également en action pour favoriser le développement du logement social. Des aides propres à la communauté viennent abonder les aides à la pierre de l’Etat, et ce depuis 2004. Le système de financement choisi prend en compte la surcharge foncière qui pèse sur certaines opérations afin de les rendre viables. Nantes Métropole a renouvelé sa délégation des aides à la pierre en 2012 car l’exercice de cette compétence est important pour atteindre la réalisation de ses objectifs en termes non seulement de production quantitative mais aussi qualitative : localisation des opérations, typologie des logements sociaux, mixité des programmes,...
« Nos aides financières au logement neuf sont passées de 1 000 euros en moyenne par logement en 2003/2004 à 9 000 euros en 2010/2011. Elles sont actuellement, toujours en moyenne, de 7 000 euros, avec des variations à la hausse pour les opérations comportant des taux élevés de PLAI, de T4, T5 et T6 encore en trop faible quantité pour satisfaire les demandes. » La réhabilitation Hlm bénéficie aussi de contributions importantes pouvant s’élever jusqu’à 30 % par logement.
Les partenariats publics privés, déjà initiés en 2008 lors de la journée du réseau des acteurs de l’habitat sur le coût des opérations et les modalités de financement du logement social, se sont poursuivis. Les ventes en l’état de futur achèvement (VEFA) représentent aujourd’hui 40 % de la production de logement social. « En 2012, nous avons redéfini les règles du jeu en fixant un prix plafond d’acquisition au delà duquel nous ne finançons pas. Les aides de Nantes Métropole sont modulées selon les secteurs plus ou moins urbains, les prix du marché, les prestations imposées comme les places de stationnement qui surenchérissent le coût final » précise Anne Berty.
[bleu]Un tableau de bord sur le suivi des coûts de la construction[/bleu]
Le système de financement de Nantes Métropole est principalement basé sur l’appréciation de la charge foncière et sur le delta qu’il faut réduire entre le prix demandé pour l’acquisition d’un terrain et le prix de référence nécessaire à l’équilibre d’une opération. Le pilotage de ce système et ses ajustements éventuels dans le temps, s’appuient sur l’élaboration de tableaux de bord pour suivre l’évolution des prix de la construction et évaluer le juste niveau d’aide utile au développement du logement social. Cet outil décompose les coûts (fonciers, aménagement, construction, honoraires…) par type d’opération et par territoire. Ces données, recueillies année après année, permettent d’établir des comparatifs sur la durée. Ce dispositif, utile à la délivrance des aides à la pierre, repère aussi les dérives, contribue à l’analyse en continu des coûts d’opérations et à la mise en question de certains modes de production du logement social sur le territoire métropolitain, questionnement qui sont d’ailleurs partagés avec les bailleurs. Un principe de revoyure permet, en outre, d’ajuster le montant des subventions lors de la livraison afin de corriger les écarts entre les estimations faites au lancement d’une opération et certains surcoûts inévitables pendant sa réalisation. « Le fonctionnement de ce tableau de bord contribue à créer un vrai dialogue avec les bailleurs sociaux et à bien identifier les difficultés à surmonter, insiste Anne Berty. » Sa mise en œuvre suppose qu’une communauté se dote d’une ingénierie importante pour l’alimenter en données, rechercher des économies très en amont des projets et fournir un support aux communes dans leurs relations avec les bailleurs.
[bleu]L’influence des normes sur les coûts[/bleu]
Au cours de ces dernières années, la maîtrise des coûts de construction a été de plus en plus affectée par l’évolution des normes. Normes nationales sur lesquelles une collectivité peu difficilement agir et normes locales surtout liées au PLU, aux taxes et aux règles d’aménagement public pour lesquelles la Métropole dispose de moyens d’action. « Un travail d’évaluation mené collectivement entre 2011 et 2012 a joué une fonction d’alerte auprès des politiques pour leur signaler les règlements ou les pratiques qui ont un impact économique sur les opérations de logement social et peuvent entrer en contradiction avec l’objectif de produire des logements sociaux accessibles, souligne la chargée de mission. » Par exemple, le PLU exige un certain nombre de places de parking par logement, le plus souvent réalisés en sous sol, avec un coût de réalisation qui impacte non seulement le prix de revient des opérations mais aussi leur coût d’exploitation, donc de loyer annexe pour le locataire. Conséquence : dans certaines opérations neuves, cela peut générer un manque à gagner important pour les bailleurs, les stationnements ne trouvant pas preneurs à moins de baisser le loyer en dessous du prix de revient pour se mettre en ligne avec les capacités contributives des habitants. Autre exemple, certains fonciers ou certaines localisations désignés dans les programmes d’aménagement impliquent la construction de voiries de desserte ou d’espaces collectifs privatifs coûteux qui renchérissent encore le prix de revient de l’opération - les surcoûts devant être compensés inévitablement par des aides financières (de la collectivité ou du bailleur). Anne Berty est cependant confiante : « Les acteurs locaux ont pris conscience de l’impact des règles d’urbanisme et d’aménagement qui pèsent sur l’économie des opérations de logements sociaux et, au final, sur le montant des loyers et donc sur les locataires. Pour y remédier, nous recherchons collectivement des solutions qui ne représentent ni une perte pour le bailleur ni un coût supplémentaire pour le locataire, tout en les conciliant avec les grands principes de nos politiques publiques, comme celles des déplacements, de l’aménagement urbain, du développement durable. »
Pour continuer l’échange avec [bleu]Anne Berty[/bleu], courriel : anne.berty@nantesmetropole.fr
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